Un peu d'Histoire... |
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A quelques centaines de mètres du mas passait jusqu'au XIIIème siècle le Rhône navigable dit de "Saint Féréol" puis "d'Ulmet". Les traces de huttes celto-ligures et de fondations de villas gallo-romaines témoignent de l'antique implantation de l'homme. (La superficie du mas correspond à celle que recevaient à leur départ de l'armée les vétérans des légions romaines: une centurie).
Le mas Antonelle, dont la première trace écrite remonte à 1342, porta successivement les noms de Mas d'Urbane en 1430, Valeriola en 1500 et enfin de Saint-Sauveur ou Mas d'Antonelle vers les années 1570. Ce nom vient de de la famille d'Antonelle, dont l'un de ses plus illustres membres, propriétaire des lieux fut, "le Marquis Pierre François d'Antonelle", premier Maire Jacobin d'Arles lors de la révolution française, Président des jurés du Tribunal Révolutionnaire qui jugea la Reine Marie Antoinette d'Autriche. Mais avant tout il était l'artisan du rattachement du Comtat-Venaissin à la France.
Antonelle,
ANTONELLE (Pierre-Antoine, marquis D')? économiste politique, né à Arles en 1747, "mort en 1817, suivit d'abord la carrière militaire. Quand la Révolution éclata, il en adopta chaleureusement les principes et les exposa dans son Catéchisme du Tiers-état. Il fut alors chargé par le pouvoir exécutif de se rendre à Avignon pour faciliter la réunion du Comtat à la France, et à Marseille afin d'y calmer l'effervescence des partis. Envoyé à l'Assemblée législative par le département des Bouches-du-Rhône, il accepta ensuite les redoutables fonctions de juré au tribunal révolutionnaire, dirigea les procès de Marie-Antoinette et des Girondins, et provoqua la condamnation de ces illustres victimes. Il n'en fut pas moins arrêté par ordre du comité de salut public, et détenu au Luxembourg jusqu'au 9 thermidor. Impliqué ensuite dans' la conspiration de Babeuf, il comparut devant la haute cour de Vendôme, mais fut acquitté. Appelé au conseil des Cinq Cents en 1797 et 1799, puis atteint par la proscription du 3 nivôse. il fut obligé de quitter la France, où il ne rentra qu'en 1814. Antonelle est auteur d'un grand nombre d'écrits et de pamphlets de circonstance, et ce furent ses articles du Journal des Hommes libres qui provoquèrent son arrestation dans l'affaire de Babeuf. (Grand dictionnaire universel Pierre Larousse)
« Antonelle (Pierre Antoine marquis D') officier journaliste et homme politique français (Arles 1747 – id. 1817) président des jurés aux procès de Marie-Antoinette et des Girondins. »
1747 1817 Né et mort à Arles (1752 - décès du père; 1782 - démission de l’armée; 1782 - sortie du Catéchisme du Tiers-état; 1790 - élu premier maire d'Arles; 1792 - élu député; 1794 - juré au tribunal révolutionnaire; 1795 - principal rédacteur du Journal des Hommes libres; 1796 - prend part à la conspiration des Égaux; 1804 - retour définitif à Arles
« J'invite à placer l’honneur à côté du devoir et de l’utilité pour rendre tous les citoyens nobles, et tous les nobles citoyens. » Pierre Antoine d'Antonelle
C'est ce que les bons dictionnaires ont retenu du premier maire, d'Arles. Les autres n’en parlent même pas. A Arles l’homme figure rarement sur la liste de nos gloires passées. Une place aux portes de la Roquette « son » quartier, porte son nom.
Mais, malgré la plaque scellée en 1989 sur les murs de l'hôtel particulier familial, le bicentenaire n'a pas vraiment tiré de l’oubli le premier maire d’Arles.
Un personnage : Moins sulfureux que Sade, moins tribun que Mirabeau, ses contemporains provençaux, Antonelle n'est pas passé à la postérité. Pourtant il a été de ceux qui, passé le temps des excès sanglants de la Révolution, ont tenté de donner la durée au nouveau régime.
Moins « médiatique » que la « volonté du peuple » et « la force des baïonnettes » chères à Mirabeau cette contribution arlésienne : à l'instauration durable de la République ne peu que nous intéresser. Antonelle est l’un de ceux qui ont jeté les bases de la démocratie représentative sur laquelle se fonde notre vie politique, Alors pourquoi I'oubli, voire l'indignité, pour cet acteur de la Révolution française ? A cette question aux multiples aspects, I'historien Pierre Serna répond brillamment dans une superbe démonstration qu'il est venu présenter aux Arlésiens en décembre. Les réponses donc, sont dans l'Histoire et dans le personnage. Antonelle complexe et passionnant à défaut d’être attachant, rencontre l'Histoire en 1789.
Une destinée : Jusqu’à cette date, il mène, sans passion, la vie de garnison du cadet d'une famille anoblie et très aisée. A 35 ans, c'est plus en lui-même qu’en sa ville qu'il rentre, se souciant peu de l'image qu'il donne, traînant une, mélancolie très fin de siècle (Tiens !) et souffrant avec bonheur d'une douloureuse maladie d’amour...
Son entrée déterminée sur la scène mouvementée dès premiers mois de la Révolution et la cohérence d'une pensée en ordre font de lui le premier maire d’Arles. Mais bien vite, bouillonnant, c'est pour le rattachement d'Avignon à la France qu'il se passionne, laissant les Arlésiens se déchirer dans cette triste querelle des chiffonniers et des monnaidistes. Une erreur, grave.
Il y en aura d'autres, tant l'homme ne peut assumer ce rôle de meneur. Sa personnalité le pousse davantage au raisonnement et l’homme, comme nous le dit son biographe, « a un rapport complexe à la violence. » A Paris, un nouveau cycle l’entraîne. Le voilà président du club des Jacobins, le temps de refuser la mairie de Paris, les événements le portent à présider le jury « chargé » de couper la tête de Marie-Antoinette et des Girondins...
Le Journal des Hommes Libres : Ce qui ne l'empêche pas d'être emprisonné par Robespierre. La mort de celui-ci le libère, de sa prison certes mais aussi de l'obligation d'agir. De 1794 à 1799, il quitte apparemment le devant de la scène pour devenir ce à quoi tout le préparait : l'un des théoriciens de la République, réfléchissant aux libertés fondamentales.
Devenu le rédacteur le plus en vue du Journal des Hommes Libres, Antonelle reste constamment inquiété. Pour les extrémistes, noble il est, noble il demeure qu'importent ses écrits. Lorsque enfin, il sera devenu une référence, un Petit caporal corse plein d’impériales ambitions va lui faire de l'ombre.
Pendant l'Empire, le paradoxe continue. Antonelle revient à Arles, de plus en plus fréquemment avant de s’y fixer. Les préfets de police suivent avec assiduité les déplacements du ci-devant marquis qui, peut-être, s’intéresse de près à ceux qui croient que la République est morte en France, mais qu'en Italie peut-être...
Puis, Antonelle se consacre à la gestion de son patrimoine. Il y réussit (il est alors la cinquième fortune d'Arles), tout en devenant «es moussu d'Antonello, lou capeù a la man », libéral avec ses fermiers, aimé du peuple qui, à sa mort, lui rendra un hommage vibrant. Tandis que ses adversaires se préoccuperont seulement de l'enterrer. Poursuivant, malgré eux, l’œuvre d'effacement entreprise par Antonelle lui-même, disparu sans descendance et dont on ne conserve pas même un portrait si ce n'est, aux Archives nationales, une caricature. Décidément...
L'ombre d'Arles dans la lumière d’Antonelle : Pierre Serna: « Si Antonelle n'est pas la clé de la Révolution, il en est peut-être le passe-partout. »
Agrégé d'histoire, maître de conférences à l'Université de Reims, Pierre Serna, travaillant sur les aristocrates révolutionnaires a découvert l'Arlésien Antonelle. De cette « rencontre » est né cet ouvrage qui vous apprendra beaucoup sur la Révolution en général et Arles en particulier. Pierre Serna, venu signer à la librairie Actes sud, a reçu la médaille de la Ville et a prononcé une conférence à l'invitation de l'Académie d'Arles et des Amis du Vieil Arles.
Qu'est-ce qui a pu être déterminant dans l'évolution d'Antonelle ? Une réelle capacité d'observation des blocages sociaux de cette fin du XVIIIe siècle. Lui-même, qui est quelqu'un à Arles, n'est rien en France. A Arles, de 1782 à 1789, il fait un grand retour sur lui même, sans se mêler à la vie publique. Il découvre la « philosophie des lumières », les auteurs publiés entre 1740 et 1760.
Est t’il réellement l'un des inspirateurs de la République ? : L'apport déterminant d'Antonelle dans l'histoire de la pensée politique est là: entre les formes de démocratie qui s'affrontent alors, il explore la voie d'une république de représentation, du mandat libre. Ii va en approfondir les applications. Et je pense que c'est parce qu'il a cette double identité en quelque sorte, noble et révolutionnaire, qu'il va être capable de concevoir cette démocratie représentative. Antonelle, c'est d'abord un journaliste, un intermédiaire culturel dans une période troublée. Sous le Directoire, il va se réaliser pleinement dans cette naissance de la presse politique, donnant la pleine mesure de sa pensée.
Pourquoi est-il oublié à ce point aujourd'hui ? :Nous avons encore aujourd'hui une image de la Révolution qui a été en grande partie façonnée par la réécriture de la fin du siècle dernier. Dans cette période d'affrontement; où le retour de la monarchie n'était pas impossible, la Révolution fait l'objet d'une historiographie de combat. D'un côté, les républicains ont du mal à reconnaître l'apport des nobles révolutionnaires Antonelle est loin d'être le seul et, pour les mêmes raisons, les royalistes rejettent dans l'oubli ceux qui ont « trahi ». S'ajoute à cela tout ce qu'Antonelle a fait lui même pour s'effacer. Aujourd'hui, on n'a plus cette lecture idéologique de la Révolution. Notre compréhension de l'histoire est moins « héroïque » et plus humaine.
En retrouvant Antonelle, qu'est-ce que les Arlésiens vont découvrir sur leur ville ? : Arles à cette époque est un véritable laboratoire de sciences politiques. Ce qui s'explique par son statut particulier de consulat et par la composition de son corps social. Toutes les facettes du Royaume dans un « petit tout ». Les Arlésiens ont appris à se gérer eux mêmes. Il y a une vraie conscience politique qui se traduit par la radicalisation des positions. Au début de la Révolution, Arles anticipe souvent de trois ou quatre mois ce qui va se passer sur la scène nationale, c'est flagrant sur la question religieuse par exemple. Le « laboratoire » arlésien est parfois inquiétant, d'autant qu'Antonelle ne fait rien pour calmer le jeu. On retrouve une surenchère verbale, une violence des mots qui va parfois beaucoup plus loin... C'est un climat de peur réciproque, où l'on frappe de peur d'être frappe. »
Le Journal des Arlésiens janvier 1988.